A la vue de quelques annonces, je réalise que c’est devenu très à la mode. Plusieurs entreprises de renom ont posté ce type d’offres récemment. Je tombe de ma chaise. Quelle aberration ! Logiquement, si le CEO de l’entreprise est un dirigeant compétent, et que le DRH est un bon DRH, alors le chief happiness officer est totalement superflu.
Or un bon DRH ferait un bon CEO. Un bon CEO ferait un bon DRH.
Je m’explique : un CEO compétent est quelqu’un qui sait mener son entreprise à travers vents et marées : il (ou elle biensûr) anticipe sur les tendances du marché et met en œuvre une stratégie qui permet à l’entreprise de se situer toujours quelques pas en avant de ses concurrents, d’avoir un impact positif sur sa clientèle et son environnement, de produire des résultats financiers satisfaisants pour toutes ses contreparties, et surtout, d’instaurer un environnement de travail où les collaborateurs à tous les niveaux sont compétents et stimulés pour donner le meilleur d’eux-mêmes. Ils se sentent reconnus, sont épanouis dans leur carrière et fiers de contribuer au succès de leur entreprise, ils en sont d’ailleurs d’excellents ambassadeurs. Autrement dit, ce CEO comprend et intègre toutes les facettes du facteur humain et des « RH » dans sa stratégie « business ».
Le (ou la) DRH de son côté comprend parfaitement la stratégie de l’entreprise, anticipe sur les besoins des différents métiers, et met en place des pratiques RH et managériales en adéquation parfaite avec la culture de l’entreprise et ses ambitions. La proposition de valeur pour les employés défie toute concurrence. Chaque employé a la possibilité d’acquérir toutes les compétences dont il a besoin pour être performant et évoluer au gré de ses ambitions. La structure de l’organisation est agile et gère efficacement sa transformation perpétuelle. Les systèmes de reconnaissance sont diversifiés et permettent à chacun d’être reconnu selon ses besoins. La dynamique des équipes est constructive et productive. Les données sur les employés sont utilisées à bon escient : la qualité des décisions sur les talents permet à l’entreprise de disposer à tout moment des compétences dont elle a besoin et à chaque employé d’utiliser tout son potentiel. Le budget alloué aux RH bénéficie principalement à l’ensemble des collaborateurs, et les pertes liées à des erreurs de casting, à des problèmes de turnover, et à la gestion des litiges sont limitées, voire inexistantes.
Cette description est très idéaliste : un tel équilibre ne pourra jamais être maintenu dans le monde du travail 4.0. Comme l’expliquent Ismail, Malone et Van Geest dans « the exponential organization », pour rester compétitif et capitaliser sur la complexité, chaque entreprise doit développer son agilité et sa capacité à se transformer perpétuellement. Cela nécessite encore bien d’autres compétences complémentaires à celles du DRH et du CEO.
Mais pour bien entamer la transformation de l’entreprise, si le DRH et le CEO sont compétents et pleinement engagés dans leur mission, alors leur complémentarité et leur collaboration étroite permettent de créer une culture d’entreprise saine et authentique, et bien d’autres éléments substantiels sur lesquels l’entreprise peut s’appuyer pour poursuivre sa construction.
Pas besoin alors d’un chief happiness officer pour inventer des artefacts et mettre en place des actions alibi dont l’impact risquerait de rester très superficiel.